Bloquer le rachat de Doliprane ? “Pas justifié” pour l’instant, selon une note de Bercy

Pressé de toutes parts pour empêcher le passage d’une filiale de Sanofi sous pavillon américain, l’exécutif avance avec une extrême prudence.

Oct 15, 2024 - 05:00

PARIS — Depuis l’annonce du rachat de Doliprane par le fonds d’investissement américain CD&R, le gouvernement cherche la bonne formule pour rassurer l’opinion et les salariés d’Opella, filiale de Sanofi et fabricant du fameux cachet de paracétamol, sans effrayer les investisseurs étrangers.

A Bercy, la balance penche nettement pour laisser l’opération se faire, assortie néanmoins de conditions strictes, dont le maintien de la production du médicament en France.

Dans une note à destination des ministres Antoine Armand (Economie) et Marc Ferracci (Industrie), obtenue par POLITICO, leurs cabinets et la direction générale des entreprises écrivent noir sur blanc qu’un blocage “ne [leur] paraît pas justifié au vu des informations dont nous disposons, à date”.

Dans le même document, préparé pour la communication des ministres lors de leur déplacement lundi sur le site de production de Doliprane, les auteurs précisent que le ministère “n’écarte cependant aucune option si des éléments plaidant pour un refus émergeaient lors de l’instruction [de la procédure d’investissements étrangers en France]”.

Une négociation mal embarquée ?

Pour des oreilles expertes, le premier communiqué de Bercy vendredi dernier, dans lequel le ministère notait que le fonds américain était “sérieux” et “présentait des perspectives positives” pour Opella, laissait déjà penser que cette solution serait privilégiée.

En outre, les ministres y disaient “prendre acte de la décision” de Sanofi. “C’est dramatique, tout le monde comprend que ça voudra dire que le gouvernement donnera son accord au rachat, ça choque profondément”, déplore un haut fonctionnaire de Bercy.

D’après la même source, qui n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement, et deux autres acteurs du dossier, les ministres auraient dû tout de suite réagir en indiquant être prêts à s’y opposer. Cette attitude aurait alors permis d’étudier les modalités de l’offre et d’exiger, par la suite, des contreparties fortes.

Dans leur communiqué, le duo de Bercy indique vaguement que l’Etat “mobilise l’ensemble des outils à sa disposition”, dont celui de contrôle des investissements étrangers.

Créé par le décret Montebourg en 2014 et renforcé par Bruno Le Maire, cet instrument donne à l’Etat un droit de veto sur une opération d’acquisition d’une entreprise jugée stratégique. Dans les faits, il est souvent utilisé pour approuver avec des conditions strictes ce type de transactions.

Une ligne peu lisible

“La communication du gouvernement n’est pas claire”, constate un député macroniste, qui a cosigné avec 61 collègues un courrier envoyé à Antoine Armand pour lui demander d’examiner la vente.

Le député PS du Calvados, Arthur Delaporte, présent lors de la visite officielle des ministres à Lisieux, souligne lui aussi le “flou” de la communication de l’exécutif.

“Le gouvernement est mal à l’aise, il est sous pression des milieux économiques et en particulier de l’industrie pharmaceutique dans un contexte de forte concurrence internationale”, relève-t-il.

Sollicité, le cabinet d’Antoine Armand affirme que cette note n’est “qu’une simple appréciation”, ne contenant “aucune information nouvelle”.

Il considère par ailleurs que la communication gouvernementale est “claire”, et précise qu’“un travail a été fait notamment par l’administration, dont plusieurs rencontres avec les protagonistes, depuis le premier jour”.

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