Harris pilonne Trump sur le fascisme, des démocrates pensent que c’est une erreur
Ces dernières semaines, Kamala Harris a multiplié les mises en garde contre les dangers d'un second mandat de Donald Trump.
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KALAMAZOO, Michigan — Kamala Harris pilonne contre la rhétorique autoritaire de Donald Trump. Mais cela inquiète certains démocrates du swing state du Michigan, qui craignent que ce message tombe à plat.
Selon eux, les électeurs sont devenus insensibles à Trump et aux mises en garde contre lui. Les sondages montrent non seulement que l’économie reste la principale préoccupation dans cet Etat, mais aussi que Trump a l’avantage sur ce terrain. Les militants craignent que les attaques de Harris contre son rival ne détournent l’attention de son cheval de bataille : le droit à l’avortement.
Dans le Michigan, où les fissures dans la coalition traditionnelle des démocrates ont mis le parti sous tension pendant des mois, les inquiétudes concernant la tactique finale de Harris viennent de toutes parts.
“Cela ne convient pas aux communautés qui ont du mal à joindre les deux bouts, et c’est là le problème. Ils ne s’adressent pas aux bonnes personnes”, estime Sherry Gay-Dagnogo, ancienne membre de la Chambre des représentants de l’Etat et membre du conseil scolaire de Détroit, et soutien de Harris. “Nous ne pouvons pas continuer à faire campagne sur le mode de la peur.”
Ces dernières semaines, Kamala Harris a multiplié les mises en garde contre les dangers d’un second mandat de Donald Trump, reprenant un argument qui était au cœur de la tentative de réélection de Joe Biden, aujourd’hui abandonnée, en réponse, selon son équipe de campagne, à l’escalade de la rhétorique de l’ancien président.
Ces derniers jours, la candidate démocrate a qualifié son concurrent de “déséquilibré” et d’“inapte à servir” pour avoir menacé d’instrumentaliser le système juridique et militaire contre ses opposants et décrit ses rivaux politiques comme “l’ennemi de l’intérieur”. Elle a défendu l’idée que Trump est un fasciste après que son chef de cabinet à la Maison-Blanche, John Kelly, a averti que l’ancien président correspondait à la définition.
L’équipe de campagne de la vice-présidente a fait diffuser des publicités télévisées dans les Etats clés pour mettre en garde contre le mépris de Trump pour les pratiques démocratiques, un message qu’elle devrait amplifier en apparaissant mardi sur le site de Washington, où Trump a rassemblé ses partisans avant l’émeute du 6 janvier 2021 au Capitole.
“La démocratie est en jeu, vraiment. Quand une personne vous dit certaines choses, qu’elle va se comporter d’une certaine manière, qu’elle vénère des gens comme Hitler et qu’elle dit qu’elle va lâcher l’armée contre vous… ce sont des mots venant d’un potentiel dictateur”, considère Mary Waters, membre du conseil municipal de Détroit et soutien de Harris. “C’est effrayant.”
Harris a énuméré ces avertissements lors d’un meeting à Kalamazoo le week-end dernier, ajoutant que Trump “revendiquerait un pouvoir extrême et sans contrôle” s’il était réélu et rappelant aux électeurs qu’il avait appelé à “abroger” la Constitution après l’échec de sa tentative de renverser l’élection de 2020.
Se recentrer sur l’économie et le droit à l’avortement
Mais même parmi ce public venu la soutenir, certains démocrates craignaient que Harris ne mette trop l’accent sur Trump.
“Je ne nous vois pas faire se déplacer qui que ce soit avec ce message”, assène Karen Lancendorfer, une démocrate venue de la ville voisine de Portage pour assister au meeting de Harris, en présence de Michelle Obama. De plus, a-t-elle ajouté, “il est risqué d’être négatif, parce que parfois les indépendants n’aiment pas la négativité”.
A travers le Michigan, les militants craignent que Harris manque le coche, alors que les républicains l’assaillent sur l’économie et la criminalité dans leurs brochures et l’attaquent à la télévision pour avoir refusé de prendre ses distances avec le président Joe Biden.
Ils craignent aussi que l’argument selon lequel Trump est une menace pour la démocratie — bien que destiné à élargir sa coalition en attirant les indépendants et les républicains mécontents — ne soit pas suffisant pour motiver les électeurs qui ont une faible propension à voter démocrate.
“Nous allons couvrir de honte les gens en leur disant ‘comment osez-vous rester chez vous et Donald Trump est élu’ plutôt que de leur donner une raison de se lever de leur canapé pour aller voter”, déplore Carly Hammond, une organisatrice démocrate de Saginaw.
Après avoir mis l’accent sur les penchants autoritaires de Trump au cours des dernières semaines, la campagne de Harris a déjà commencé à se recentrer sur l’avortement et l’économie. Vendredi dernier, la vice-présidente a organisé un grand meeting au Texas, axé sur la menace que représente Trump pour le droit à l’avortement. Samedi, Michelle Obama a lancé un appel directement aux hommes sur cette question en faisant campagne avec Harris à Kalamazoo, où cette dernière a prononcé un discours qui mettait également l’accent sur des questions de pouvoir d’achat, telles que la réduction des coûts du logement et la lutte contre la hausse des prix.
Interrogée sur les préoccupations des militants locaux concernant la ligne de Harris sur Trump, son équipe de campagne a répondu qu’elle s’était largement concentrée sur l’économie lors de ses voyages dans le Michigan. Lundi, la démocrate a visité une usine de semi-conducteurs à Saginaw qui devrait recevoir 325 millions de dollars de subventions dans le cadre du CHIPS and Science Act, vantant son bilan en matière de made in USA et attaquant son rival républicain pour avoir menacé de revenir sur cette loi emblématique de l’administration Biden.
“Lors de chaque voyage de la vice-présidente dans le Michigan, elle s’est concentrée sur l’industrie manufacturière, le renforcement de l’économie et la réduction des coûts”, souligne la sénatrice Debbie Stabenow dans une déclaration transmise par l’équipe de campagne à POLITICO.
Mais alors qu’elles sondaient un quartier tranquille de maisons individuelles dans la banlieue de Bloomfield Hills à Detroit vendredi, les militantes démocrates Marcie Paul et Emily Feinstein ont constaté que Harris avait encore du travail à faire sur ce front. De nombreux électeurs ont exprimé leurs inquiétudes sur l’économie.
Un homme, ouvrier de l’industrie automobile, a confié qu’il ne votait plus pour Trump depuis les émeutes du 6 janvier 2021, mais qu’il restait indécis dans cette élection. Il voulait en savoir plus sur les politiques commerciales des candidats.
Une femme a expliqué qu’elle votait pour Harris en grande partie pour le droit à l’avortement, mais qu’elle n’avait “aucune influence” sur son mari qui “pense que le business est plus important”.
Pour Kamala Harris, “il y a un équilibre entre les enjeux à venir et les dangers de Trump”, commente Marcie Paul, qui préside le groupe de femmes progressistes Fems for Dems, basé dans le Michigan. Et maintenant, a-t-elle ajouté, les électeurs veulent savoir “qui est [Harris] et ce qu’elle veut faire. Ils apprennent encore à la connaître.”
Trump, en revanche : “Ils savent qui il est”, constate Marcie Paul.
“Malheureusement, personnellement, j’ai l’impression que nous le savions”, poursuit Marcie Paul à propos des récentes révélations sur ce que ses détracteurs appellent les tendances fascistes de Trump. “Ce n’est qu’une goutte d’eau de plus dans un seau très profond.”
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.
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