Nos 12 César de l’année politique 2024

POLITICO décerne, en toute subjectivité, ses prix à ceux qui ont contribué à faire de l’année un grand film politique.

Dec 24, 2024 - 17:00

Ces douze derniers mois, la politique française a connu une multitude de grands et petits événements, qui ont fait de 2024 une année inoubliable à bien des égards. Peut-être méritera-t-elle, un jour, d’être adaptée sur grand écran.

En attendant la suite, POLITICO a décidé de marquer le coup en décernant ses César de la politique. Un jury improvisé, des catégories originales, pas de cérémonie, ni de ministre de la Culture dans la salle (même si Rachida Dati aurait pu figurer dans notre palmarès). Passons sans plus attendre aux résultats.

Chef-d’œuvre toute catégorie

C’était hier, c’était il y a une éternité. “Après avoir procédé aux consultations prévues à l’article 12 de notre Constitution, j’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l’Assemblée nationale.” Le 9 juin, dans la foulée des résultats des élections européennes (catastrophiques pour son camp), Emmanuel Macron renvoie les Français aux urnes, “confiant” dans le fait que des élections législatives anticipées permettront une “clarification” du débat public.

S’il prend ses adversaires de court, les macronistes ne sont pas plus prêts que les autres et devront se lancer à leur corps défendant dans une campagne perdue d’avance. Résultat des courses : une centaine de députés macronistes perdent leurs sièges. Le RN en gagne plus d’une trentaine. La gauche, parvenue à conclure un accord électoral dans les temps, arrive en tête. L’Assemblée ressort de l’opération coupée en trois blocs irréconciliables.

La dissolution est donc, sans conteste, le chef-d’œuvre de l’année écoulée, tant le pays n’a pas fini d’en subir les conséquences (POLITICO en a même fait un livre).

Meilleur acteur

Il n’était qu’un personnage secondaire, à la tête d’un parti en déclin. Eric Ciotti a finalement pris toute la lumière deux jours après la dissolution, en annonçant sans concertation sa décision de nouer une alliance entre Les Républicains et le Rassemblement national pour les législatives. La veille encore, présent dans le bureau de Gérard Larcher au Sénat avec d’autres figures du parti, le Niçois s’était gardé de dévoiler ses plans, acquiesçant sans mot dire quand les siens tombaient d’accord pour conserver une “ligne d’indépendance” vis-à-vis de Renaissance comme du RN.

Une performance Actors studio encore grandie par un scénario vaudevillesque, quand Ciotti, seul contre tous, a barricadé le QG des Républicains, place du Palais-Bourbon. Clou du spectacle : la réouverture des portes par la secrétaire générale du parti fut diffusée en direct sur toutes les chaînes de télé. Pour ceux qui ne s’en lassent pas, n’hésitez pas à rejeter un œil à l’exceptionnelle performance du député des Alpes-Maritimes face caméra, le 13 juin, lorsqu’il voulut faire savoir qu’il reprenait possession de son bureau.

Cruel rebondissement, cependant : Ciotti, qui n’entraîna qu’une députée sortante avec lui, terminera avec un groupe de 16 élus à l’Assemblée, grâce au soutien des lepénistes.

L’épilogue pour le désormais principal supplétif de Marine Le Pen, à la tête de son propre parti, n’est pas encore écrit. Futur ministre d’un gouvernement RN ou éternel élu d’opposition ? Notre meilleur acteur pourra, dans tous les cas, encore élargir son répertoire.

Aussi nommée : Amélie Oudéa-Castéra pour son plongeon dans la Seine (mais pas pour son naufrage d’entrée de jeu au ministère de l’Education nationale).

Meilleur court métrage

Le jury est unanime : Michel Barnier, avec ses trois petits mois à Matignon, remporte la statuette. Le plus court gouvernement de la Ve République a réussi à nous tenir en haleine, malgré une distribution composée d’interprètes quasi inconnus du grand public, quoique tous professionnels de la politique. Auteur-réalisateur, Barnier avait espéré faire de son œuvre un long métrage. Faute de budget, il a dû revoir ses ambitions à la baisse.

Aussi nommé : Gabriel Attal et ses six mois de plein exercice — record de l’année, avec le recul !

Meilleur cliffhanger

Eux ont rêvé de Matignon, avant de tomber de haut. Pour Marine Le Pen et le Rassemblement national, l’année a été plus proche des montagnes russes que d’un long fleuve tranquille. Arrivé premier des élections européennes, le parti à la flamme avait cru voir son heure venue lors des législatives anticipées. Pour envoyer Jordan Bardella diriger le pays, un “plan Matignon” avait été échafaudé en amont, afin de présenter des candidats dignes de ce nom dans toutes les circonscriptions, ou presque.

Sauf que le plan ne s’est pas déroulé comme prévu. Les casseroles des uns et les déboires télévisés de plusieurs dizaines de ses aspirants députés ont nui à la campagne lepéniste. Mais c’est bien la résurrection inattendue du front républicain entre la gauche et le camp macroniste qui a douché leurs espoirs. N’empêche : Le Pen et ses alliés n’ont jamais été aussi nombreux au Palais-Bourbon (140 députés aujourd’hui).

Décidément haletante, la suite de l’histoire s’écrit désormais en partie dans les tribunaux, puisque le sort à court terme de Marine Le Pen est suspendu au verdict à venir sur l’affaire des assistants parlementaires européens du RN. Elle risquerait d’être empêchée de se présenter lors de la prochaine présidentielle, si une peine d’inéligibilité était prononcée.

Aussi nommé : le projet de loi sur la fin de vie, retourné à l’état de script, malgré de premières répétitions encourageantes.

Meilleure figurante

En quarante-huit heures, fin juillet, une énarque 100% inconnue du public est appelée par Olivier Faure, Manuel Bompard et même Jean-Luc Mélenchon. Objectif des chefs de file du Nouveau Front populaire : voir ce que Lucie Castets, directrice financière de la mairie de Paris, a dans le ventre. Ils veulent en faire leur candidate au poste de Premier ministre.

C’est certes leur plan B, ou plutôt C, après au moins deux échecs (Huguette Bello et Laurence Tubiana). Mais Lucie Castets donnera tout, enchaînant les médias, les meetings, les universités d’été de toutes les forces politiques de gauche. Et elle n’arrête guère sa promo quand, le 23 juillet, soit le soir même où son nom est poussé par la gauche réunifiée, Emmanuel Macron balaye d’un revers de la main sa nomination à Matignon… sans même prononcer son nom.

Las, La championne du NFP à Matignon ne sortira jamais en salle, le président lui préférant le remake d’un classique de la droite française, avec Michel Barnier à l’affiche.

Aussi nommé : Thierry Beaudet, très-éphémère-possible Premier ministre d’Emmanuel Macron tout début septembre.

Meilleures révélations

Ils s’appellent Benjamin, Anne-Charlène, Jean-Philippe, Alexandre… et leurs visages vous sont plus familiers que ne l’ont jamais été ceux de la plupart des députés macronistes : eh oui, ils sont constitutionnalistes.

En cette année de jamais-vu à répétition, où les acteurs politiques, sans jurisprudence à laquelle se référer, avancent souvent à tâtons, leur parole est d’or. Les journalistes les premiers se les arrachent sur les plateaux télé et dans les studios radio, où ils officient matin midi et soir depuis le 9 juin. Dans les beaux quartiers parisiens, les réseaux d’affaires les invitent à professer leur savoir.

Enfin, quand ils ne sont pas consultés par l’Elysée, au lendemain du second tour des législatives, pour savoir combien de temps un gouvernement démissionnaire peut décemment rester en place, ils replongent le nez dans leurs cours de droit constit pour phosphorer sur l’après-censure ou le report du budget… sans toujours être d’accord entre eux.

Meilleur costume

Attention, top. J’ai permis à ma propriétaire, jusque-là peu connue du grand public, d’être identifiée en un coup d’œil. Elle ne me quitte plus et a dû m’acheter en plusieurs exemplaires. J’ai mon propre compte sur X, qui dénombre plus de 18 000 abonnés. J’ai même eu le droit à mon article dans Le Monde et le média Vert m’a interviewée — tiens, tiens, un indice sur votre écran.

Je suis, je suis… la veste verdoyante de Marine Tondelier !

“J’ai réalisé son impact le 14 juin, sur le plateau du JT de 13 heures de TF1, en découvrant la photo de groupe que nous venions de prendre. Au milieu des vestes sombres, on ne voyait que moi”, a raconté au Monde la responsable Ecologiste, devenue l’une des femmes politiques de l’année (et la seule française à figurer dans la liste des “100 leaders de demain” du magazine Time).

De quoi redorer le blason de tout un mouvement ? Le 9 juin, les Ecologistes, emmenés par Marie Toussaint, passaient tout juste la barre des 5% aux européennes — leur pire score au box-office en trente ans. Leur campagne, entre “booty therapy” et éloge de la douceur, manquait finalement de couleur.

Aussi nommé : le look bavarois de Bernard Cazeneuve et sa cravate rouge sur veste rouge, à forts messages politiques.

Meilleures bandes originales

Notre année politique a été un peu chiche dans cette catégorie. Heureusement qu’il y a eu ce remix des propos tenus par Raphaël Glucksmann juste après la troisième place de sa liste aux européennes : Cap clair, en version country, ainsi que sa chorégraphie. Ce n’est pas du niveau du dernier album de Beyoncé, mais ça a quand même égaillé notre déprime estivale post-dissolution.

Ce gros son a fait au moins un envieux : Gabriel Attal. Alors encore Premier ministre, il a lui-même demandé à l’internaute de TikTok qui avait généré par IA le tube de Glucksmann d’adapter un extrait de sa déclaration de politique générale.

Si elle a suscité le malaise de certains internautes, la demande a débouché sur un remix là encore aux accents country. En bonus, un autre encore plus convaincant en version techno — de quoi mettre le feu au dancefloor à la Saint-Sylvestre (non). Rien à voir avec le grand cru de 2016 (C’est pas de votre faute, de Khaled Freak), mais on s’en contentera.

Meilleurs effets spéciaux

Boostés à l’intelligence artificielle, les trucages ont fait de formidables progrès cette année. La palme revient sans aucun doute au deepfake de Marine Le Pen, créé par le porte-parole de Renaissance, Loïc Signor, pour fêter 2024. On y voit la cheffe de file de l’extrême droite présenter ses vœux en français… puis en russe. Effet garanti !

Le chef technicien Signor, qui a honteusement nettoyé son œuvre depuis, a d’abord tenté de justifier les vertus de cette manipulation : “Le message était : l’IA vous fait peur, nous aussi. Je voulais montrer que l’on pouvait faire avec elle des choses surprenantes”, expliquait-il à POLITICO, tout en assumant “le côté provocateur” de cette publication, réalisée à l’aide de l’outil de traduction Rask AI.

Aussi nommées : les dix enveloppes apparues miraculeusement (ou frauduleusement ?) lors de l’élection des six vice-présidents de l’Assemblée nationale, le 19 juillet. Un tour de passe-passe qui a conduit les députés à revoter.

Meilleur documentaire

Si les Français sont fâchés avec l’économie, ils ont désormais une formidable opportunité pour rattraper leur retard, grâce à l’incroyable feuilleton sur le dérapage des comptes publics. Un documentaire alimenté de jour en jour par les commissions parlementaires et les enquêtes journalistiques, qui part sur la trace de nos milliards d’euros d’impôts partis en fumée.

Proposé en plusieurs épisodes, le docu revient sur : les prévisions ratées des éminents experts de Bercy, le rendement riquiqui du nouvel impôt sur les électriciens (la Crim, qui devait rapporter six fois plus), l’écopage à la petite cuillère des ministres aux commandes (qui se souvient du “coup du rabot” de janvier ?), l’enterrement en première classe, par l’Elysée, de tout budget rectificatif…

Non, vraiment, la France entière a été tenue en haleine et se demande si, un beau jour, elle retrouvera des comptes à l’équilibre, cinquante ans après un ultime budget en excédent.

Meilleur producteur

Beaucoup à gauche rêvaient enfin de remettre à Jean-Luc Mélenchon un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Les signes étaient encourageants : l’Insoumis en chef avait pris un peu de champ, laissant penser qu’il laisserait sa place en haut de l’affiche, encourageant les jeunes pousses à jouer devant les caméras. Raté.

Car l’Insoumis continue d’éplucher les scénarios et d’orchestrer, avec ses proches, la stratégie de son parti. Il a saturé l’espace à coups de meetings et de conférences pour imposer le thème de la guerre à Gaza pendant la campagne des européennes — au grand dam de sa candidate Manon Aubry, qui aurait aimé davantage parler… d’Europe.

Officiellement hors des tractations, il a aussi suivi de très près les négociations entre les partis du NFP, se plaignant même en direct à la télé d’avoir dû “payer” Raphaël Glucksmann “de 100 circonscriptions” pour que les socialistes acceptent de signer un accord.

Il a encore œuvré dans l’ombre pour exclure les députés LFI pas assez sur la ligne officielle (Clémentine Autain, Alexis Corbière, Raquel Garrido) et accorder l’investiture à Adrien Quatennens, un de ses échecs de l’année.

Producteur imaginatif, Mélenchon a aussi poussé à fond le scénario d’une destitution d’Emmanuel Macron, et s’active désormais en vue d’une éventuelle présidentielle anticipée. Pour laquelle, bien sûr, il aimerait occuper le premier rôle.

Meilleur come-back

Les cheveux d’Edouard Philippe (c’est lui qui en parle le mieux).

Aussi nommé : Manuel Valls au gouvernement — mais pour combien de temps ?

Sofiane Orus-Boudjema et Sarah Paillou ont contribué à cet article.

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