Ukraine : la France contrainte de recalibrer son aide militaire
Le gouvernement est sous pression pour réduire les dépenses, afin de maîtriser le déficit public.
PARIS — La France ne tiendra pas sa promesse de donner jusqu’à 3 milliards d’euros d’aide militaire à l’Ukraine cette année. Ce sera “plus de 2 milliards d’euros”, a déclaré le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, devant les députés de la commission de la Défense lundi.
“Il était arrêté politiquement au début de l’année 2024 que cette aide pouvait aller jusqu’à 3 milliards d’euros. Dans les faits, nous serons au-dessus de 2 milliards d’euros, mais pas à 3 milliards d’euros”, a précisé le ministre.
Emmanuel Macron a promis, en début d’année, d’envoyer un maximum de 3 milliards d’euros, dans le cadre d’un effort visant à renforcer l’aide française à l’Ukraine, après que Paris a été critiqué pour avoir fait moins que d’autres pays comme l’Allemagne.
En février, dans le but de garantir une aide à long terme à l’Ukraine, Paris et Kiev ont signé un accord de sécurité bilatéral qui prévoit officiellement un soutien militaire de 3 milliards d’euros pour cette année.
Mais la France est désormais sous pression pour réduire son déficit, qui pourrait atteindre 6% du PIB en 2024.
Elle n’est pas le seul pays à être confrontée à un resserrement budgétaire.
En Allemagne — le plus grand pourvoyeur d’aide militaire en Europe —, les responsables politiques prévoient de réduire de moitié le soutien à l’Ukraine l’année prochaine afin de réduire les dépenses. Il y a aussi des craintes que les Etats-Unis réduisent leur soutien à Kiev si l’ancien président Donald Trump revient à la Maison-Blanche.
Mobiliser les intérêts des avoirs russes gelés
Malgré les hésitations financières, Emmanuel Macron soutient fermement l’Ukraine dans la guerre.
La semaine dernière, le chef de l’Etat a accueilli son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, à Paris pour discuter de son “plan de victoire” et d’une aide supplémentaire à l’Ukraine. La veille de cette visite, Emmanuel Macron est allé à la rencontre de soldats ukrainiens qui s’entraînaient près de Reims, dans le cadre d’une initiative française visant à former une brigade entière avec du matériel tricolore.
La France devrait également fournir des avions de combat Mirage 2000 à Kiev au cours du premier semestre 2025.
Au total, Paris a fourni à Kiev une aide militaire de 1,7 milliard d’euros en 2022 et de 2,1 milliards en 2023, ce qui la place derrière des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède.
L’année prochaine, le budget de la défense de la France devrait atteindre 50,5 milliards d’euros, en hausse de 7%. Toutefois, Sébastien Lecornu a déclaré lundi aux députés que le ministère des Armées cesserait de demander des fonds supplémentaires à la fin de l’année pour les coûts imprévus liés aux déploiements de l’Otan en Estonie et en Roumanie, ou pour l’aide à l’Ukraine.
Selon Lecornu, 300 millions d’euros d’aide à l’Ukraine proviennent des intérêts sur les avoirs russes gelés et seront utilisés pour acheter des munitions d’artillerie de 155 millimètres, des canons Caesar et du carburant. Enfin, 400 à 600 millions d’euros seront dégagés grâce à la baisse de l’inflation et serviront à rénover les missiles Scalp et Aster pour l’Ukraine.
Les commentaires de Lecornu interviennent alors que les pays nordiques et baltes intensifient leurs efforts. Le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis, a souligné auprès de POLITICO que “les dernières données montrent […] que le groupe des pays nordiques et baltes, pris dans son ensemble, est le deuxième fournisseur militaire de l’Ukraine [après les Etats-Unis]”.
Il a appelé les autres pays européens à renforcer leur soutien et a mis en garde contre la lassitude de la guerre.
Stuart Lau a contribué à cet article depuis le Luxembourg.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.
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